Si vous êtes fasciné par les histoires d’évasions spectaculaires, que vous avez vu et revu la série prison break et que vous aimez les histoires rocambolesques, celle du Comte de Lavalette, il y a de cela 200 ans, saura vous émouvoir et vous fasciner. Cet ancien proche de Napoléon 1er, condamné à mort sous la Restauration, a su, avec l’aide et le soutien de ses proches, éviter avec brio l’échafaud.
L’audacieuse évasion du comte de Lavalette
Né à Paris en 1769, Antoine-Marie Chamans, comte de Lavalette traversa la Révolution au sein de l’armée française révolutionnaire, où il gravit les échelons jusqu’à devenir aide de camp, ami proche et capitaine du général Napoléon de Bonaparte. Le 22 avril 1798, Lavalette fit un mariage d’amour avec Émilie de Beauharnais, nièce de Joséphine de Bonaparte. S’en suivit mille et une aventures, d’Orient en Occident, l’armée Napoléonienne voyageait et rêvait de conquérir le monde. Cependant, il en fut tout autrement ! Inquiets de l’ambition de Napoléon, les Anglais, les Russes et les Autrichiens déclarèrent à juste titre la guerre à la France en 1806. Et c’est en 1814, que finalement Napoléon Ier abdiquera et s’exilera sur l’île d’Elbe. S’en suivit, l’évasion de cette dernière, l’épopée des Cent jours et la capitulation à Waterloo de Napoléon, pour que finalement l’heure soit à l’épuration. La « Terreur blanche » des ultraroyalistes servie par le sinistre ministre de la Police Joseph Fouché, faisait rage.
Ayant rejeté la demande de s’exiler avec Napoléon sur l’île de Sainte-Hélène, car la santé de sa femme enceinte l’en empêchait, il fut arrêté pour conspiration contre l’état et usurpation de fonctions. Confiant en la justice au moment de son arrestation et du fait qu’il n’avait à se reprocher que son indéfectible fidélité à l’Empereur. Il perdit toutes ses illusions à l’issue du procès et dira : « Je vis que j’avais été condamné, comme allait l’être le maréchal Ney, pour servir d’exemple ». Et effectivement, il fut bien condamné à mort le 21 novembre 1815.
Désespérée, la comtesse de Lavalette se rendit à la cour royale. S’introduisant clandestinement, elle surprit au détour d’un couloir, le roi, elle s’agenouillât et en suppliant demanda la grâce d’Antoine-Marie Chamans, comte de Lavalette, son mari. Rétorquant qu’il n’avait jamais failli à son devoir, que le 10 août 1792 il se tenait fièrement devant le château des Tuileries, défendant et protégeant la famille royale de sa majesté contre des milliers de Français. Le Roi répondit froidement, « Madame, je ne puis faire autre chose que mon devoir » et il s’en alla passant outre le désespoir de cette femme. Désespérée et hantée de la peur de perdre son amour. Émilie imagina un plan de sauvetage.
Le lendemain soir à 18h, la brume transperçait et glaçait jusqu’à la moelle des geôliers. Ceux-ci préparaient et faisaient l’inventeur du matériel nécessaire au départ dans l’autre monde du comte de Lavalette, prévu à 4h30 le lendemain matin.
Au même moment, dans une chaise à porteurs non loin de la conciergerie, Émilie clarifiait le plan et répétait à sa fille l’importance du rôle qu’elle aurait à jouer. Elle dit en s’adressant aux porteurs : « Messieurs, la suite des opérations dépend de vous, que Dieu vous protège ». Prenant leur courage à deux mains, elles pénétrèrent pour la millième et dernière fois les portes de la prison. Au fur et à mesure de leur avancée, de chaque porte ouverte et fermée derrière elles, leurs cœurs s’emballaient. Chaque pas semblait durer une éternité, chaque inspiration, expiration mesurait l’importance de ce qui se jouait. Quand enfin elles arrivèrent auprès d’Antoine, ce fut pour le trouver agité. Celui-ci, atteint d’un soubresaut de fierté, refusait de continuer ce plan insensé. Quel déshonneur pour un Lavalette de faillir à son devoir. Et puis si celui-ci venait à réussir, qu’adviendrait-il d’Émilie dans ce monde de brutes ? Cette dernière ne lui laissa pas même le temps de finir sa tirade, qu’elle lui rappela ceci : « je ne te survivrai pas d’une minutes ». La dureté et la franchise de ses paroles, levèrent les doutes encore restant d’Antoine. Pour l’amour de sa femme et de sa fille, il acceptait de tenter l’impossible. Enfin, tout était prêt. Émilie appela tendrement sa fille, la serra dans ses bras et d’une voix émue, lui dit : « va, appelle-le ». Ce faisant, elle appela M. Berlan et sortit, prétextant que ses parents voulaient se dire au revoir en privé. Attendrissant le garde, la jeune fille de 12 ans, le détourna astucieusement de sa surveillance. Au même moment dans la cellule, Antoine et Émilie se dépêchaient. Elle lui réexpliquait le plan et les directives qu’Antoine devait respecter. Acquiesçant, Antoine répondit qu’il irait ensuite trouver refuge en Bavière chez son cousin. Ayant parachevé leur plan, le couple se pris tendrement et passionnément dans les bras l’un de l’autre une dernière fois. Le temps étant écoulé depuis déjà quelques minutes, Joséphine fut conduite une toute dernière fois auprès de son père pour l’embrasser. Arrivant auprès de ses parents, elle découvrit son père transfiguré et ne put s’empêcher de sourire de surprise et d’incrédibilité. Monsieur le Comte était accoutré d’une sublime robe de mérinos richement doublée en fourrures, d’un chapeau à plumes et du sac de madame la comtesse. Les rappelant à l’ordre Émilie leur dit : « Il faut partir, point d’adieu, point de larmes ! Le temps vous est compté ! Adieu et n’oubliez pas de baisser la tête sous le guichet pour ne point accrocher la plume ». Elle sonna et s’élança de ce fait derrière le paravent. La porte s’ouvrit sur Antoine et Joséphine, qui s’en allait le cœur lourd. Soutenu de sa fille, il passa sans encombre les différents guichets, pour enfin atteindre le dehors tant convoité. Et c’est en arrivant vers la chaise, qu’ils se rendirent compte qu’il n’y avait aucun porteur présent. Oh malheur, tout semblait fini avant même d’avoir commencé. Le poids du regard des sentinelles immobiles, semblait suivre chaque mouvement effectué par la comtesse, alias Antoine. Celui-ci, empreint d’une agitation intérieure violente, était prêt à bondir sur quiconque s’interposerait. Cette terrible situation perdura environ deux minutes, mais elle sembla durer une éternité pour Antoine. Quand soudain, sauvé par le gong, les porteurs arrivèrent. Ébranlant la chaise, ils s’en allèrent aussi rapidement que possible de cet endroit maudit.
C’était le 23 décembre 1815, M. Lavalette resta caché jusqu’au 9 janvier 1816 à Paris. Coup du destin ou du hasard, il trouva refuge sous le même toit qu’un de ses plus grands ennemis politiques, au sein même du ministère des Affaires étrangères ! De la petite mansarde où il couchait, il entendait crier les ordonnances de la haute police émises à son encontre. Ces quelques jours, il les vécut protégé par des inconnus dont l’amitié courageuse atténua ses angoisses. Pendant ce temps, la comtesse enfermée dans le plus grand secret à la conciergerie, fut traitée avec une grande sévérité. Celle-ci, sans-nouvelles de sa fille, de son mari dépérissait d’inquiétude à leur égard. S’imaginant les pires scénarios, elle sombrait lentement dans la folie.
Il quitta Paris le 8 janvier 1816 avec la complicité de trois officiers anglais : Bruce, Hutchinson et le général Robert Wilson. Il revêtit l’uniforme britannique et gagna Mons, en Belgique. Puis Antoine de Lavalette se dirigea seul vers la Bavière, pays où il y résida six ans, avec la bienveillance d’Eugène de Beauharnais, gendre du roi Maximilien Ier. Gracié en 1822, il rentra à Paris où il retrouva son épouse, Émilie, qui avait perdu la raison. Il l’installa donc auprès de lui, sans malheureusement parvenir à la guérir de sa paranoïa. Il dira cependant : « Une mélancolie profonde la jette trop souvent dans la préoccupation, mais elle est restée douce, aimable et bonne. »
Antoine-Marie Chamans, comte de Lavalette, ancien pair de France, ministre et aide de camp de Sa Majesté l’Empereur Napoléon 1er, s’éteindra en 1830. Quant à l’héroïque et romanesque Émilie de Beauharnais, constamment rattrapée par ses terreurs passées, elle survivra encore vingt-cinq ans à l’époux tant aimé.