La question est : faut-il crier pour se faire entendre ?
Les bien-pensants hurleront la négation sans comprendre,
Le paradoxe cache entre ces mots qu’ils ne pourront défendre.
Leurs arguments, je ne cherche pas ici à les réduire en cendres,
Car, ce débat ne nous grandira que si tout avis est bon à prendre
Les avez-vous lus ? Ces quelques vers, ces tristes proses ?
Les mots que Baudelaire, dans les fleurs du mal, dépose,
Ces poèmes arrachés à un esprit malade de névrose.
Comme écrit dans la douleur d’un cœur qui se nécrose.
Pensez-vous qu’il murmurait ses propos pesants et moroses ?
Non ! Ses mots, je les vois hurlés par une âme qui se sclérose,
Mais peu de monde entendra ce que ses larmes supposent.
Et si en vous ne sont pas criées ces sombres suppliques,
Écoutez la mère crier sur le gosse qui, sa vie lui complique.
Ce gamin hyperactif qui n’écoute jamais ce qu’on lui explique,
N’entendra pas, les mots hurlés dans l’espoir d’un déclic.
Et la claque partira, un coup qui fera du trauma une relique.
« Tu veux une bonne raison de chialer ? » Tel sera la réplique.
Par celle-ci, la mère espère que l’enfant devienne angélique.
Mais à trop crier pour être entendue, elle, deviendra diabolique.
Et si pour les bien-pensants les cris de la mère ne trouvent pas de sens,
Que dire de ceux de ce pauvre homme dont le cœur est en errance ?
Dépressif sera le diagnostic qui ne lui offrira aucune délivrance.
Dans ce mal de solitude, exacerbé par un amour en carence,
S’il crie pour espérer être écouté, il n’y a là aucune incohérence.
Qui entendra cet appel au secours, quête d’une dernière chance ?
Qui osera lui dire de ne pas crier, de faire preuve de décence ?
Quel bien-pensant se permettra une si odieuse remontrance ?
À celui qui étouffera ce cri, je ne souhaite qu’enfer et pestilence !
Et si personne n’entend, que les larmes vous montent alors aux yeux,
Comme elles montent aux yeux d’un père qui vit ces instants si précieux
En entendant la vigueur des premiers cris d’un nouveau-né capricieux.
Voilà des cris pour lesquels même la lune se décrocherait des cieux !
Bien sûr, des cris restent des cris pour les bien-pensants fallacieux.
Mais dans ce monde superficiel, ce nourrisson, d’un air audacieux.
Aura crié qu’il vit, loin des artifices dont se couvrent les disgracieux.
Qui préférerait, à cet élan de vie, un nouveau-né silencieux ?
Et si aucun message n’est porté par ces cris pourtant si expressifs,
Que dire de cette jeune femme, qui malgré un « NON » incisif,
Dû subir, sans consentement l’horreur d’un acte obscène et abusif.
Malgré ses cris, le monstre restera sourd, s’il ne devient pas agressif.
Qui pourra blâmer la jeune femme d’avoir pris un ton abrasif ?
Non, ces maudits bien-pensants, sur ses cris resteront évasifs.
Que la jeune femme crie ! Car qui face au monstre, resterait passif ?
Et si ce cri ne trouve pas d’écho dans vos cœurs,
Peut-être, le murmure d’une foule criant en chœur,
Saura éveiller en vous ce feu qui anime les rêveurs.
Ou alors resterez-vous sourds tels ces beaux parleurs,
Ceux qui, pour quelques devises vendent frères et sœurs.
Dans ce marasme humain, ces cris de grande ampleur,
Contre les politiciens gourmands aux allures d’empereur,
Auront gagné dans leur unité, force et grandeur.
Car le cri de la liberté est celui qui a le plus de valeur !
Cependant, la valeur d’un cri, ici n’est pas la question.
Et de tous ces mots, voilà ce que je dirais pour conclusion.
S’il faut crier pour se faire entendre, avec ou sans passion,
C’est qu’il n’est plus entre entendre et écouter de distinction.
Et dans ce brouhaha auquel aucun de nous ne fait exception,
Ce sont toutes nos voix qui finiront par souffrir d’extinction.
Si crier a pris tant de place dans toutes nos conversations,
Que la beauté des mots ne se mue plus en contemplation,
C’est que le silence est d’or, dans ce monde vide d’introspection.
Ainsi, écouter ne peut que coûter le prix de la compassion.
Florian Richard